CetteAGE aura lieu Ă  la salle de l’Arceau Angers de 20h00 Ă  20h45.Une convocation vous sera adressĂ©e prochainement. A la suite de l’AGE, la rĂ©union de rentrĂ©e se fera de 20h45 Ă  22h30. * 16 septembre 2017 - Balade fluviale d’1heure sur la Loire (commentaires français- breton). De plus amples informations vous seront communiquĂ©es par mail. * 30 septembre 2017 - La

ï»żParoles et musique GĂ©rard Guillou-Delahaye Trois BigoudĂšn’s sont parties prendr’ le car Farin’ de froment farin’ de blĂ© noir Trois BigoudĂšn’s sont parties prendr’ le car Ell’s vont Ă  New York fair’ des crĂȘp’s et du far Gar’ de Quimper kenavo au revoir Farin’ de froment... Essuyez vos larm’s agitez les mouchoirs Il est midi, et il fait encor’ tout noir DĂ©calage horaire le soleil est en r’tard C’est haut, c’est haut, Ma douĂ©, que c’est haut Tous ces gratt’ ciel comm’ des sapins d’ NoĂ«l Hello good morning monsieur l’agent Where is the crĂȘperie of Madam’ Kerjean? You are lucky j’y suis allĂ© hier soir SoixantiĂšme Ă©tage au fond du couloir Bats la pĂąte Ă  crĂȘpe et bats la pĂąte Ă  far Faut travailler dur si tu veux des dollars C’est bon, c’est bon, Ma douĂ©, que c’est bon Finis les hamburgers on veut des crĂȘp’s au beurre Tout New York fait la queue sur le trottoir Les trois BigoudĂšn’s sont devenues des stars Trois BigoudĂšnes sont rev’nues en fanfare Chacune Ă  son bras un mari tout noir Si vous voulez la fortune et la gloire J’vous dirai comment fair’ des crĂȘp’s et du far FarineDe Sarrasin (blĂ© Noir) - 1kg. Cette farine de Sarrasin aussi appelĂ©e farine de BlĂ© Noir sera excellente pour faire vos galettes ou pain de sarrasin. Pour faire un pain de sarrasin, il faut la diluer avec notre farine de BlĂ© Super Froment. La date limite de consommation est sur le dessus de l'emballage et sera au moins supĂ©rieure Ă 
Les cĂ©rĂ©ales sont essentielles Ă  notre alimentation, il est nĂ©cessaire d’en consommer quotidiennement. Elles apportent une quantitĂ© importante de glucides complexes, de protĂ©ines et de fibres ainsi que de nombreuses vitamines dont nous avons chaque jour besoin. D’aprĂšs les historiens de l’alimentation, on cultivait dĂ©jĂ  des cĂ©rĂ©ales au Ve siĂšcle avant JC. Les cĂ©rĂ©ales font d’ailleurs largement partie de l’identitĂ© culinaire de nombreux pays le millet en Afrique Noire, le riz en Chine, les pĂątes en Italie, le pain en France ou les flocons d’avoine dans les pays nordiques. On en dĂ©nombre 13 variĂ©tĂ©s le blĂ© tendre ou froment, le blĂ© dur, l’orge, le riz, le maĂŻs, le seigle, le sarrasin, le millet, le sorgho, l’avoine, l’épeautre, le triticale, l’ santĂ©Les cĂ©rĂ©ales contiennent de nombreux nutriments indispensables Ă  notre Ă©quilibre. Elles sont un concentrĂ© de bienfaits riches en glucides complexes 60 Ă  70g/100g pour les cĂ©rĂ©ales complĂštes, en protĂ©ines vĂ©gĂ©tales 10% en moyenne pour les cĂ©rĂ©ales complĂštes, en vitamines du groupe B B1, B2, B5, B6, PP et l’acide folique B9, en vitamine E aux propriĂ©tĂ©s anti-oxydantes et pauvres en lipides 1 Ă  5 %. Les cĂ©rĂ©ales complĂštes apportent de plus des sels minĂ©raux, oligo-Ă©lĂ©ments magnĂ©sium, fer,potassium et des fibres. Les cĂ©rĂ©ales sont aujourd’hui en perte de vitesse dans la composition de nos menus depuis plus d’un siĂšcle. Leur faire reprendre leur place est un des neufs axes prioritaires du PNNS Programme National Nutrition-SantĂ©. Celui-ci recommande d’augmenter la consommation de glucides complexes afin qu’ils contribuent Ă  plus de 50% des apports Ă©nergĂ©tiques journaliers 
, de rĂ©duire de 25% la consommation actuelle des glucides simples, et d’augmenter de 50% la consommation de fibres ».De quelle maniĂšre ?En variant les sources de cĂ©rĂ©ales et en favorisant les aliments cĂ©rĂ©aliers cĂ©rĂ©ales privilĂ©gier? Lorsque c’est possible, il faut consommer les cĂ©rĂ©ales complĂštes, comme le riz brun, le blĂ©, l’avoine ou le seigle. Elles s’opposent aux cĂ©rĂ©ales raffinĂ©es dont on a retirĂ© l’écorce pour ne garder que l’amidon. Le grain complet renferme en effet des protĂ©ines, des fibres, des oligo-Ă©lĂ©ments et minĂ©raux sĂ©lĂ©nium, zinc, cuivre, fer, magnĂ©sium et phosphore ainsi que des vitamines E et B.Une fois transformĂ©es, les cĂ©rĂ©ales constituent la base d’un grand nombre d’aliments de consommation courante. Les farines de blĂ©, de seigle, de froment... permettent de fabriquer le pain de boulangerie, le pain de mie, les biscottes, la pĂątisserie, les biscuits, les semoules, les pĂątes etc... Le riz, le blĂ© tendre, l’avoine et le maĂŻs, souvent associĂ©s Ă  des fruits secs comme le raisin, la pomme, la noisette, l’amande, constituent les mĂŒeslis et cĂ©rĂ©ales des petits dĂ©jeuners. Il existe Ă©galement des boissons Ă  base d’orge comme la biĂšre, qui est certes d’origine cĂ©rĂ©aliĂšre, mais qui ne prĂ©sente pas du tout les mĂȘmes propriĂ©tĂ©s nutritionnelles. A boire avec modĂ©ration ! Les bons rĂ©flexes au quotidienConsommez au moins une portion de cĂ©rĂ©ales ou de produits Ă  base de cĂ©rĂ©ales Ă  chaque repas. Par exemple, au petit dĂ©jeuner, du muesli ou des cĂ©rĂ©ales en pĂ©tale ou soufflĂ©s, des pĂątes fraĂźches au dĂ©jeuner, et un morceau de pain au dĂźner, de prĂ©fĂ©rence les types de pain, de pĂątes, de riz, de semoules et de farines en piochant des idĂ©es dans les recettes de cuisine de nos rĂ©gions ou d’ailleurs. Pour ne pas lasser les papilles et rompre la routine culinaire, amusez-vous Ă  remplacer l’accompagnement de vos viandes ou poissons par des cĂ©rĂ©ales oubliĂ©es » comme l’épeautre, le millet ou l’ n’oubliez pas que pour se maintenir en bonne santĂ©, il est important d’avoir une alimentation variĂ©e, Ă©quilibrĂ©e et savoureuse !ALLER PLUS LOIN Pour en savoir plus, retrouvez un dossier complet sur les omĂ©gas 3 sur bien et Ă©quilibrĂ© c'est possible ! DĂ©couvrez les conseils de Laurence Levy sur Terrafemina !
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BLANC BLANCHE (adj.) [blan, blan-ch' ; le c ne se lie pas : blanc et noir, dites : blan et noir ; exceptĂ© dans cette locution oĂč d'ordinaire on le fait entendre : du blanc au noir, dites : du blan-k au noir ; l's au pluriel se lie : blancs et noirs, dites : blan-z et noirs. Palsgrave au XVIe siĂšcle dit qu'on prononce blan ; et au XVIIe, Chifflet recommande de ne pas prononcer le c final
31 janvier 2007 3 31 /01 /janvier /2007 1126 2 fĂ©vrier Voici une serie de sites qui vous permettra d'occuper vos enfants pour cette occasion. En musique de fond, vous entendez une chanson de GĂ©rard Delahaye originaire de Morlaix comme moi voir aussi son blog qui s'intitule " Farine de froment, Farine de blĂ©-noir " et en prime, les paroles de la chanson que vous Ă©coutez si vous avez branchĂ© le son Farine de froment farine de blĂ© noir Trois bigoudĂšnes sont parties prendre le car Farine de froment farine de blĂ© noir trois bigoudĂšnes sont parties prendre le car elles vont Ă  New York faire des crĂȘpes et du far Gare de Quimper, kenavo au revoir farine de froment, farine de blĂ© noir Gare de Quimper, kenavo au revoir Essuyez vos larmes agitez les mouchoirs Il est midi, il fait encore tout noir farine de froment farine de blĂ© noir Il est midi, il fait encore tout noir dĂ©calage horaire le soleil est en retard C'est haut, c'est haut, ma douĂ©, que c'est haut tous ces grattes ciel comme des sapins de noel hello good morning monsieur l'agent where is the crĂȘperie of madam' Kerjean? You're lucky, jy suis allĂ© hier soir farine de froment farine de blĂ© noir You're lucky, jy suis allĂ© hier soir SoixantiĂšme Ă©tage au fond du couloir bats la pĂąte Ă  crĂȘpe et bats la pĂąte Ă  far Farine de froment farine de blĂ© noir bats la pĂąte Ă  crĂȘpe et bats la pĂąte Ă  far faut travailler dur si tu veux des dollars bis C'est bon, c'est bon, ma douĂ©, que c'est bon finis les hamburgers on veut des crĂȘpes au beurre! tout New York fait la queue sur le trottoir Les trois bigoudĂšnes sont devenues des stars Trois bigoudĂšnes sont revenues en fanfare farine de froment farine de blĂ© noir Trois bigoudĂšnes sont revenues en fanfare chacune Ă  son bras un mari tout noir bis Si vous voulez la fortune et la gloire Farine de froment farine de blĂ© noir Si vous voulez la fortune et la gloire J'vous dirai comment faire des crĂȘpes et du far! bis GĂ©rard Delahaye Published by Pascaly - dans FĂȘtes
pasun grain de blĂ© ; pas la moindre farine aux murs ni sur les. toiles d’araignĂ©e On ne sentait pas mĂȘme cette bonne odeur . chaude de froment Ă©crasĂ© qui embaume dans les moulins L’arbre. de couche* Ă©tait couvert de poussiĂšre, et le grand chat maigre. dormait dessus. La piĂšce du bas avait le mĂȘme air de misĂšre et d’abandon : — un. mauvais lit, quelques guenilles, un
Forum / PrÚs de chez vous Bonjour à tous,Dans le cadre de mon travail, je suis à la recherche de chansons parlant de la Bretagne et/ou du FinistÚre. Egalement des chansons un peu rigolote telle que "Farine de Froment; farine de blé noir" de d'avanceAlly Votre navigateur ne peut pas afficher ce tag vidéo. Bonjour,comme deja dit, l'autre de miossec , la chanson BrestEn chanson populaire, bien sur, Vive la Bretagne, vive les BretonsPour le moment, je n en vois pas d autres. J'aime Chansonstu cherche sur la Bretagne en général ou des villes aussi ????A BientÎt J'aime 3 bigoudennesj'allais justement te parler des 3 bigoudennes sont allez prendre le cars...Tu connais les ours du scorff ? c'est du traditionnelle breton pour enfants ça ne parle pas directement de la bretagne mais c'est sympasTout l'album de delahaye est génial J'aime Vous ne trouvez pas votre réponse ? Titrevoici plusieurs titres - Le pont de Morlaix- La Blanche Hermine Gilles Servat- Les prisons de Nantes Tri Yann- Pelot d'hennebont Tri YannSi je pense a autre chose je te dirais J'aime Reponsej'ai lu ton messageje suis chanteuret j'ai pas mal de chansons sur la bretagneet notamment une chanson sur quimpertgahinet J'aime
Epicerie conserves, quelques lĂ©gumes, du sorgho, du mil, du riz, de la farine de froment et puis des guides, des taxis, des auberges Bienvenue Ă  Atar. L’aĂ©roport est tout neuf, tout blanc. C’est lĂ  qu’atterrissent deux fois par semaine les charters affrĂ©tĂ©s par Point Afrique. Les 4/4 et les taxis y attendent les voyageurs. Premier contact avec la Mauritanie (ou MaurĂ©tanie VEILLÉESDE L’UKRAINE CHAPITRE PREMIER Quel dĂ©lire ! quelle splendeur qu’un jour d’étĂ© dans la Petite-Russie ! De quelle chaleur languissante sont chargĂ©es les heures quand midi Ă©clate silencieux et brĂ»lant, et que l’OcĂ©an bleu, infini, Ă©tendu en voĂ»te ardente sur la terre, semble dormir tout noyĂ© de voluptĂ© en enlaçant et en Ă©treignant la bien-aimĂ©e dans ses bras Ă©thĂ©rĂ©s. Pas un nuage au ciel ; dans les champs, pas une parole. Tout semble mort. En haut, seulement, dans la profondeur du ciel, frĂ©mit l’alouette ; et sa chanson d’argent roule sur les marches aĂ©riennes jusqu’à la terre amoureuse. Par instant, le cri de la mouette ou la voix sonore de la caille, rĂ©sonne dans la steppe. Paresseux et sans pensĂ©e, comme vaguant sans but, s’élĂšvent les chĂȘnes ombrageux. Et le jet aveuglant des rayons solaires embrase pittoresquement des masses entiĂšres de feuillages en enveloppant les autres d’une ombre noire comme la nuit, sur laquelle un vent violent fait çà et lĂ  scintiller de l’or. L’émeraude, la topaze, le saphir des insectes aĂ©riens, ruissellent sur les jardins bigarrĂ©s ombragĂ©s de tournesols Ă©lancĂ©s. Les meules grises du foin et les gerbes dorĂ©es du blĂ©, s’étagent en camps dans la plaine et se dĂ©roulent Ă  l’infini. Les larges branches des cerisiers, des pruniers, des pommiers et des poiriers, plient sous le poids des fruits. Le ciel se reflĂšte dans la riviĂšre comme dans un miroir au cadre vert et Ă©levé  De quelle voluptĂ© et de quelle langueur dĂ©borde l’étĂ© de la Petite-Russie ! C’est de cette splendeur que brillait une des chaudes journĂ©es du mois d’aoĂ»t dix-huit cent
 dix-huit cent
 oui, il y a une trentaine d’annĂ©es, lorsque, sur une longueur de plus de dix verstes, la route conduisant au village de Sorotchinetz grouillait de la foule accourue Ă  la foire de tous les environs et des hameaux les plus lointains. DĂšs le matin, s’allongeait la foule ininterrompue de Tchoumaks[1], avec leurs voitures de sel et de poisson. Des montagnes de poteries enterrĂ©es sous le foin se mouvaient lentement, comme ennuyĂ©es de leur obscure prison. Çà et lĂ , seulement quelques terrines ou soupiĂšres aux couleurs Ă©clatantes se montraient vaniteusement au sommet de la charrette surchargĂ©e et provoquaient les regards attendris des adorateurs du confort. De nombreux passants contemplaient d’un Ɠil d’envie le potier de haute taille, propriĂ©taire de ces richesses, lequel, d’un pas lent, marchait derriĂšre ses marchandises, enveloppant soigneusement le dandysme et la coquetterie de ses vases dans l’humble foin. Loin des autres, se traĂźnait une charrette tirĂ©e par des bƓufs fatiguĂ©s, et remplie de sacs de chanvre, de toile et de divers objets de mĂ©nage. DerriĂšre venait le propriĂ©taire vĂȘtu d’une chemise de toile bien blanche et d’une culotte de toile sale. D’une main paresseuse, il essuyait la sueur qui coulait en pluie de son visage basanĂ© et dĂ©gouttait de ses longues moustaches poudrĂ©es par ce perruquier impitoyable qui vient sans qu’on l’appelle, s’emparant Ă©galement des plus belles et des plus laides, et poudrant par force, depuis des milliers d’annĂ©es, toute l’espĂšce humaine. À ses cĂŽtĂ©s, marchait attachĂ©e Ă  la charrette une jument dont l’aspect timide trahissait un Ăąge plus qu’avancĂ©. Beaucoup et surtout les jeunes gens portaient la main Ă  leur bonnet en croisant le moujik. Ce n’étaient cependant ni sa moustache grise ni sa dĂ©marche imposante qui lui valaient ces saluts. Il suffisait de lever la tĂȘte pour en dĂ©couvrir la cause. Sur la charrette, Ă©tait assise son enfant, une jolie fille au visage arrondi, aux sourcils noirs et bien arquĂ©s surmontant des yeux brun-clair, aux lĂšvres roses et souriantes, la tĂȘte ornĂ©e de rubans rouges et bleus qui, avec ses longues nattes, un bouquet de fleurs des champs et une riche couronne, formaient le plus ravissant tableau. Tout semblait l’intĂ©resser ; tout lui Ă©tait Ă©trange et neuf
 et ses beaux yeux allaient sans cesse d’un objet Ă  l’autre. Comment ne pas se distraire ! À la foire pour la premiĂšre fois ! Une jeune fille de dix-huit ans et Ă  la foire pour la premiĂšre fois ! Mais aucun des passants ne pouvait se douter du mal qu’elle avait eu Ă  persuader son pĂšre de la prendre avec lui, non pas que, personnellement, il ne l’eĂ»t fait volontiers, mais il avait Ă  compter avec la mĂ©chante marĂątre qui avait su le brider et le conduisait aussi facilement qu’il conduisait lui-mĂȘme la vieille jument qu’on allait vendre aujourd’hui pour prix de ses longs services. La criarde Ă©pouse
 mais nous avons oubliĂ© qu’elle est assise, elle aussi, au haut de la charrette, dans une superbe camisole de laine verte, piquĂ©e, comme la fourrure de la martre, de petites queues, mais rouges ; avec une riche jupe bigarrĂ©e comme un Ă©chiquier et un bonnet d’indienne de couleur, qui donnait un certain air d’importance Ă  son visage rouge et plein d’aspect si rĂ©barbatif que chacun se hĂątait de reporter son regard inquiet sur le gai visage de la jeune fille. Aux yeux de nos voyageurs, Psiol[2] commençait Ă  poindre. De loin venait une fraĂźcheur d’autant plus sensible que la chaleur avait Ă©tĂ© plus lourde et plus accablante. À travers le feuillage vert-clair des peupliers et des bouleaux, nĂ©gligemment semĂ©s dans la prairie, apparaissaient des plaques de lumiĂšre froide ; et la belle riviĂšre dĂ©couvrit la splendeur de sa poitrine d’argent sur laquelle se rĂ©pandait richement la verte chevelure des arbres. Fantasque comme une jolie femme, Ă  l’heure enivrante oĂč, devant le miroir jaloux de son front altier, de ses Ă©paules rosĂ©es et de sa gorge de marbre, ombragĂ©e par une boucle sombre tombĂ©e de sa tĂȘte blonde, elle jette avec mĂ©pris ses parures pour les remplacer par d’autres et ne connaĂźt pas de fin Ă  ses caprices, ses eaux presque chaque annĂ©e changent leurs cours, choisissent une nouvelle voie et s’entourent de paysages nouveaux et divers. Les rangĂ©es de moulins soulevaient sur leurs lourdes roues de larges nappes qu’elles rejetaient avec force en les brisant en pluie et en emplissant les environs de poussiĂšre humide et de bruit. La charrette, avec les voyageurs que nous connaissons, roulait en ce moment vers le pont, et, la riviĂšre, dans toute sa majestueuse beautĂ©, s’étendait devant eux comme une seule glace. Le ciel, les forĂȘts vertes et bleues, les hommes, les voitures chargĂ©es de poteries, les moulins, tout se renverse, surgit et marche les pieds en l’air sans tomber dans la splendide profondeur bleue. Notre belle devint songeuse Ă  ce magnifique spectacle et oublia mĂȘme de faire craquer sous sa dent les graines de tournesol qu’elle Ă©tait occupĂ©e Ă  grignoter depuis le dĂ©part, lorsque tout Ă  coup, les mots Ah ! la jolie fille ! » frappĂšrent ses oreilles. Elle tourna la tĂȘte et aperçut sur le pont une foule de jeunes gens dont l’un, mieux vĂȘtu que les autres, en svitka[3] blanche et en bonnet gris d’Astrakan, les mains sur les hanches, regardait hardiment les passants. La belle ne put faire autrement que de remarquer son visage basanĂ© mais respirant la sympathie et ses regards brĂ»lants qui semblaient vouloir la transpercer. Elle baissa les yeux Ă  la pensĂ©e que, peut-ĂȘtre, l’exclamation entondue lui appartenait. — Une riche fille ! continua le jeune homme Ă  la svitka blanche, sans la quitter de l’Ɠil. Je donnerais bien tout ce que je possĂšde pour l’embrasser, mais c’est le diable qui est aussi derriĂšre elle. Des rires Ă©clatĂšrent de tous cĂŽtĂ©s. Mais la compagne chamarrĂ©e de l’époux qui s’avançait Ă  pas lents, ne goĂ»ta pas le compliment. Ses joues rouges s’empourprĂšrent et un crĂ©pitement d’épithĂštes choisies roula en averse sur la tĂȘte des joyeux gars. — Puisses-tu Ă©touffer, propre Ă  rien ! Puisse un vase tomber sur la tĂȘte de ton pĂšre ! Qu’il se rompe le cou sur la glace, l’antichrist maudit ! Et que, dans l’autre monde, le diable lui roussisse la barbe ! — Voyez-vous l’insulteuse ! fit le jeune homme en Ă©carquillant les yeux, comme stupĂ©fait d’une pareille explosion de compliments inattendus. Comment la langue de cette sorciĂšre hors d’ñge ne se blesse-t-elle pas Ă  articuler de semblables mots ! — Hors d’ñge[4] ! saisit au vol la mĂ»re personne. L’impudent ! Va donc d’abord te dĂ©barbouiller, moricaud. Je n’ai pas connu ta mĂšre, mais je suis certaine que c’est une pas grand’chose ; ton pĂšre aussi est un pas grand’chose. Hors d’ñge ! parce qu’il a encore du lait au bec ! La charrette, en ce moment, sortait du pont, et les derniĂšres paroles se perdirent dans l’air. Mais le jeune homme ne voulut pas en rester lĂ . Sans plus rĂ©flĂ©chir, il saisit une motte de boue et la lança
 Le coup Ă©tait mieux dirigĂ© qu’on ne pouvait le supposer tout le bonnet neuf d’indienne se trouva couvert de boue ; et les rires des joyeux compagnons de reprendre avec une force nouvelle. L’obĂšse coquette frĂ©mit de colĂšre ; mais la charrette Ă©tait alors assez loin et elle tourna sa vengeance contre sa belle-fille innocente et son lent Ă©poux, lequel, habituĂ© de longue date Ă  des incidents de ce genre, gardait un silence obstinĂ© et Ă©coutait avec le plus grand sang-froid la sortie emportĂ©e de son Ă©pouse en fureur. MalgrĂ© cela, la langue infatigable crĂ©pitait et ne s’arrĂȘta qu’à leur entrĂ©e dans le faubourg, lorsqu’ils arrivĂšrent chez leur vieil ami et compĂšre le cosaque Tsyboulia. Cette entrevue entre compĂšres qui ne s’étaient pas rencontrĂ©s depuis longtemps, fit oublier momentanĂ©ment le fĂącheux Ă©vĂ©nement en forçant nos voyageurs Ă  s’entretenir de la foire et Ă  reposer quelque peu aprĂšs une longue route. CHAPITRE II Peut-ĂȘtre vous est-il arrivĂ© d’entendre une cataracte lointaine quand les environs troublĂ©s sont pleins de fracas et qu’un chaos de rumeurs Ă©tranges et indistinctes passe devant vous comme un tourbillon. N’est-ce pas une sensation analogue que l’on Ă©prouve, lorsque l’on est pris dans le tourbillon d’une foire au village et que les rangs serrĂ©s de la foule ne forment plus qu’un monstre sinueux qui se meut de tout son corps sur la place et dans les rues Ă©troites, criant, s’interpellant et grondant. Vacarme, jurons, mugissements, bĂȘlements, rugissements, tout se fond en un brouhaha discordant. Les bƓufs, le son, le foin, les tziganes, les poteries, les babas[5], les pains d’épices, les bonnets, tout flamboie bigarrĂ© et criard, s’agite en groupe et dĂ©file devant vos yeux. Des voix de diffĂ©rents timbres se couvrent l’une l’autre, et pas une parole ne peut ĂȘtre saisie, sauvĂ©e de ce dĂ©luge. Pas un cri ne s’articule distinctement ; on n’entend dans toute la foire que des mains de marchands frappant l’une dans l’autre, Ă  l’appui du marchĂ© conclu. Une charrette se brise, le fer rĂ©sonne ; des planches jetĂ©es Ă  terre retentissent et la tĂȘte qui nous tourne ne sait oĂč s’arrĂȘter. Notre moujik avec sa fille aux noirs sourcils s’était depuis longtemps mĂȘlĂ© Ă  la foule. Il s’approchait d’une charrette, hĂ©lait l’autre, comparait les prix, et cependant, sa pensĂ©e tournait toujours autour des dix sacs de blĂ© et de la vieille jument qu’il avait amenĂ©s pour la vente. On pouvait voir Ă  l’expression du visage de sa fille qu’il n’était rien moins qu’agrĂ©able Ă  celle-ci de se frotter aux charrettes de foin ou de blĂ©. Elle aurait voulu aller lĂ  oĂč, sous la toile des tentes, sont coquettement appendus des rubans rouges, des boucles d’oreilles, des croix d’étain et de cuivre et des piĂšces d’or pour colliers. Cependant le spectacle qu’elle avait devant les yeux ne manquait pas d’intĂ©rĂȘt. Elle prenait un intime plaisir Ă  regarder ici un tzigane bigarrĂ© et un moujik se frapper dans la main jusqu’à crier de douleur ; lĂ  un juif ivre offrir du kissel[6] Ă  une baba ; plus loin, des poissardes s’injurier et se jeter des Ă©crevisses Ă  la tĂȘte ; ailleurs encore, un Moscovite caresser d’une main sa barbe de bouc et de l’autre
 mais voilĂ  qu’elle se sent tirer par la manche brodĂ©e de sa chemise. Elle se retourne et se trouve en face du parobok Ă  la svitka blanche et aux yeux ardents. Tout son corps tressaillit, son cƓur se mit Ă  battre comme jamais il n’avait encore battu, ni sous la joie, ni sous la douleur, sensation Ă©trange et dĂ©licieuse en mĂȘme temps ; elle ne pouvait se rendre compte de ce qu’elle prouvait. — N’aie pas peur, mon petit cƓur ! n’aie pas peur, fit-il Ă  demi-voix en lui prenant la main. Je ne te dirai rien de mal ! Il se peut que tu ne me dises rien de mal, pensa la jeune fille, seulement, c’est Ă©trange. Ce doit ĂȘtre le diable. Je sais que sĂ»rement ce n’est pas bien
 et cependant je n’ai pas la force de lui reprendre ma main. » Le moujik se retourna, voulant dire quelque chose Ă  sa fille, mais le mot blĂ© » retentit alors Ă  ses cĂŽtĂ©s. Ce mot magique le fit immĂ©diatement s’approcher de deux nĂ©gociants qui parlaient haut, et, son attention fixĂ©e sur eux, rien n’était capable de la distraire. Or, voici la conversation qui s’était engagĂ©e sur le blĂ©. CHAPITRE III — Tu penses donc, pays, que notre blĂ© se vendra mal ? disait l’un dont l’extĂ©rieur dĂ©notait un petit bourgeois Ă©tranger, habitant quelque bourgade, en pantalon de coutil tachĂ© de goudron et de graisse. Le personnage auquel il s’adressait Ă©tait vĂȘtu d’une svitka bleue rapiĂ©cĂ©e en diffĂ©rents endroits, et il avait une bosse au front. — Il ne s’agit pas de penser ! je suis prĂȘt Ă  me laisser passer une corde autour du cou et Ă  me balancer Ă  cet arbre comme une saucisse de NoĂ«l au plafond de la chambre, si nous vendons une seule mesure de blĂ©. — Qu’est-ce que tu me contes, pays ? Il n’y a pas sur le marchĂ© un grain de blĂ© en dehors de celui que nous avons apportĂ©. Dites tout ce que vous voudrez, pensait le pĂšre de notre belle, qui ne perdait pas une parole de la conversation des deux marchands ; cela ne m’empĂȘchera pas d’avoir dix sacs en rĂ©serve. » — Mais c’est prĂ©cisĂ©ment oĂč le diable s’en mĂȘle, qu’il n’y a pas plus Ă  tabler lĂ -dessus que sur un Moscovite affamĂ©, reprenait d’un air significatif l’homme Ă  la bosse au front. — Quel diable ? demanda l’homme au pantalon de coutil. — As-tu entendu ce que l’on dit dans la foule ? continua le front bombĂ© en regardant de cĂŽtĂ© son interlocuteur de ses yeux mornes. — Eh bien ? — Eh bien ! Le commissaire, — puisse-t-il ne jamais tremper sa moustache dans l’eau-de-vie de prunes — le commissaire nous a assignĂ© pour la foire une place si maudite que nous pouvons crever, nous ne vendrons pas un seul grain. Vois-tu ce vieux hangar en ruine lĂ -bas, lĂ -bas, prĂšs de la montagne ici, la curiositĂ© du pĂšre de notre belle le fit se rapprocher encore, et il devint tout oreilles, c’est dans ce hangar que les diables prennent leurs Ă©bats, et pas une seule foire ne s’est terminĂ©e sans malheur. Hier encore, le scribe passait par lĂ , et, Ă  la lucarne, se montra un groin de porc, grognant si terriblement qu’un frisson lui passa dans tout le corps. On s’attend d’un instant Ă  l’autre Ă  voir apparaĂźtre de nouveau la svitka rouge. — Qu’est-ce que cette svitka rouge ? À ce moment les cheveux de notre auditeur attentif se dressĂšrent sur sa tĂȘte. Il regarda avec terreur derriĂšre lui et aperçut
 sa fille et le parobok tranquillement enlacĂ©s, devisant d’amour dans l’oubli le plus complet de toutes les svitkas du monde. Ce spectacle dissipa sa terreur et le ramena Ă  son insouciance habituelle. — Eh ! eh ! pays, tu me parais aller bien vite en embrassades. Moi, ce n’est que le quatriĂšme jour aprĂšs la noce que j’ai appris Ă  embrasser ma Khveska et encore, grĂące Ă  mon compĂšre, qui, en sa qualitĂ© de garçon d’honneur, me mit sur la voie. Le jeune homme comprit immĂ©diatement que le pĂšre de sa bien-aimĂ©e n’était pas trĂšs dĂ©sagrĂ©able ; et il se prit Ă  combiner un plan pour le mettre dans son jeu. — Toi, mon bon, tu ne me connais probablement pas ; mais moi, je t’ai reconnu tout de suite. — C’est possible que tu m’aies reconnu. — Si tu veux, je te dirai et ton nom et ton prĂ©nom et tout ce qui te concerne. Tu t’appelles Solopi Tcherevik. — C’est bien cela, Solopi Tcherevik. — Et regarde-moi bien, peut-ĂȘtre me reconnaĂźtras-tu ? — Non, je ne te connais pas ; et cela soit dit sans te fĂącher. Dans ma longue vie, j’ai tant vu de museaux divers, que ce serait le diable de me souvenir de tous
 — C’est dommage que tu ne te rappelles pas du fils de Holopoupenko ? — Tu serais donc le fils d’Okhrimo ? — Et qui le serait ? Ă  moins que ce ne soit le Domovoi[7]. Sur quoi, les deux amis se dĂ©couvrirent et l’embrassade commença. Cependant notre fils Holopoupenko, sans perdre de temps, se hĂąta de couper court Ă  cette dĂ©monstration. — Eh bien ! Solopi, comme tu le vois, moi et ta fille nous nous aimons au point de passer l’éternitĂ© ensemble. — Eh bien ! Paraska, fit Tcherevik en s’adressant avec un sourire Ă  sa fille, — peut-ĂȘtre, en effet
 pour que dĂ©jà
 comme on dit
 ensemble
 afin qu’on paisse la mĂȘme herbe. Eh bien ! tapons lĂ , et allons, beau fils frais Ă©lu, arroser le contrat ! Et tous les trois se trouvĂšrent bientĂŽt rĂ©unis dans une derniĂšre buvette, sous la tente, chez la Juive, au milieu de tout une flotte de bouteilles et de flacons de toutes façons et de toutes tailles. — Eh ! le luron ! Pour cela je t’aime, disait Tcherevik, quelque peu Ă©mĂ©chĂ©, en voyant la façon dont son beau fils frais Ă©lu se versait prĂšs d’un demi-litre d’eau-de-vie, l’avalait d’un trait sans sourciller et brisait sur la table le vase vide. Qu’en dis-tu ? Paraska. Quel fiancĂ© je t’ai choisi ! regarde ! regarde ! Comme il lampe gaillardement. Et, tout gai et en titubant, il s’achemina avec elle vers sa charrette, pendant que notre parobok se rendait aux boutiques occupĂ©es par les marchands de Gadiatch et de Mirgorod, les deux cĂ©lĂšbres villes du gouvernement de Pullava, pour y choisir une des plus belles pipes en bois, richement montĂ©e sur cuivre, ainsi qu’un foulard Ă  fleurs sur fond rouge et un bonnet d’Astrakan, cadeaux de noce au beau-pĂšre et aux autres, ainsi que le voulait la coutume. CHAPITRE IV — Eh bien ! femme ! j’ai trouvĂ© Ă  la fille un fiancĂ©. — C’est ce qui peut s’appeler bien choisir son moment pour chercher des fiancĂ©s ! ImbĂ©cile ! imbĂ©cile ! tu ne changeras donc jamais ? OĂč as-tu vu, oĂč as-tu entendu que des gens sensĂ©s courent Ă  cette heure aprĂšs des fiancĂ©s ? Tu aurais mieux fait de t’occuper de vendre notre blĂ©. Ton fiancĂ©, lui aussi, doit ĂȘtre quelque chose de bien. Le plus gueux, sans doute, de tous les va-nu-pieds. — Quelle erreur ; si tu voyais le jeune homme ! Rien que sa svitka vaut plus que ta camisole verte et que tes bottes rouges ; et comme il siffle bien l’eau-de-vie ! Que le diable m’emporte et toi avec, si de ma vie, j’ai vu un parobok avaler comme lui un demi-litre d’un trait sans sourciller ! — C’est cela, un ivrogne doublĂ© d’un vagabond, voilĂ  ce qu’il lui faut. Je gagerais que c’est le mĂȘme vaurien qui nous a pris Ă  partie sur le pont. Quel dommage qu’il ne me soit pas encore tombĂ© sous la main ! Je vous l’aurais arrangĂ© ! — Et qu’importe ! Khivria, si c’était lui ? Pourquoi serait-ce un vaurien ? — Pourquoi ce serait un vaurien ! oh ! tĂȘte sans cervelle ! Entendez-vous ? Pourquoi ce serait un vaurien ? Oh avais-tu donc tes yeux d’imbĂ©cile lorsque nous passions prĂšs du moulin, lĂ  devant lui, sous son nez sali de tabac ? on dĂ©shonorerait ta femme que cela te laisserait indiffĂ©rent. — Tu auras beau dire, je ne vois pas ce qu’on pourrait lui reprocher. C’est un garçon de valeur ; serait-ce parce qu’il a un moment couvert de fumier ton museau ? — Eh ! eh ! voyez-vous ! Tu ne me laisses pas placer un mot. Qu’est-ce que cela veut dire ? Quand cela t’est-il jamais arrivĂ© ? Tu as dĂ©jĂ , sans doute, pris le temps de licher alors que tu n’as encore rien vendu ? Notre Tcherevik remarqua en effet lui-mĂȘme qu’il avait trop parlĂ©, et il se hĂąta de cacher sa tĂȘte dans ses mains, persuadĂ© que son irascible compagne ne tarderait pas Ă  planter dans ses cheveux ses griffes conjugales. Diable ! le mariage est flambĂ©, pensait-il en esquivant l’épouse qui marchait vers lui ; il faudra refuser un bon garçon et pour rien ! Seigneur Dieu ! Pourquoi une pareille plaie sur nous autres pĂ©cheurs ? Il y avait dĂ©jĂ  assez de vilaines choses dans ce monde ; et tu nous as encore encombrĂ©s de femmes ! » CHAPITRE V Le jeune homme Ă  la svitka blanche, assis prĂšs de sa charrette, regardait distraitement la foule qui bourdonnait sourdemont autour de lui. Le soleil fatiguĂ© quittait l’horizon aprĂšs avoir brĂ»lĂ© son midi et son matin. Le jour s’éteignait dans le charme et dans l’éclat de la pourpre. Le sommet blanc des tentes brillait d’une clartĂ© aveuglante sous les rayons d’un feu rose Ă  peine perceptible. Les vitres des chĂąssis empilĂ©s flambaient sur les tables des cabaretiĂšres ; bouteilles et verres Ă©taient transformĂ©s en autant de flammes. Des montagnes de melons, de pastĂšques et de citrouilles semblaient moulĂ©es en or et en cuivre bruni. Le bruit des conversations devenait sensiblement plus rare et plus sourd. Les langues fatiguĂ©es des marchands, des moujiks et de tziganes se faisaient plus paresseuses et plus lentes. Çà et lĂ , des feux commençaient Ă  s’allumer et le fumet odorant des galouschki[8] se rĂ©pandait dans les rues calmĂ©es. — À quoi songes-tu si tristement Hirtsko[9], s’écria un Tzigane de haute taille et hĂąlĂ© par le soleil, en frappant sur l’épaule de notre jeune homme. Voyons ! me laisses-tu tes bƓufs pour vingt ? — Tu n’as de pensĂ©e que pour les bƓufs ! toujours les bƓufs. Votre race ne vit que pour l’argent monnayer, filouter les honnĂȘtes gens. — Fi ! que Diable ! Te voilĂ  donc pris bien sĂ©rieusement ! serait-ce le dĂ©pit de t’ĂȘtre embarrassĂ©e d’une fiancĂ©e ? — Non, ce n’est pas dans ma nature je tiens ma parole ; quand je fais quelque chose, c’est pour toujours, mais c’est ce vieux brigand de Tcherevik qui n’a pas de conscience pour un demi-kopek ; il a dit Oui », et maintenant il se reprend. On ne peut guĂšre, d’ailleurs, lui en vouloir ; c’est une bĂ»che et rien de plus, ce sont lĂ  les tours de la vieille sorciĂšre que nous avons, avec les amis, si bien arrangĂ©e aujourd’hui sur le pont. Ah ! si j’étais Tzar ou grand seigneur, je commencerais par faire pendre tous ces imbĂ©ciles qui se laissent brider par les femmes
 — Me laisses-tu les bƓufs pour vingt si nous forçons Tcherevik Ă  nous rendre Paraska ? Hirtsko le considĂ©ra avec Ă©tonnement. Les traits basanĂ©s du Tzigane exprimaient quelque chose de mĂ©chant, de rusĂ©, de bas et de hautain en mĂȘme temps ; il suffisait d’un regard pour se convaincre que, dans cette Ăąme Ă©trange, bouillonnaient de grandes qualitĂ©s, mais de celles qui n’ont sur la terre qu’une seule rĂ©compense le gibet. Une bouche disparaissait presque entre le nez et le menton, pointue et toujours animĂ©e d’un mauvais sourire ; des yeux petits mais vifs comme le feu ; un visage sillonnĂ© de l’éclair des projets et des combinaisons sans cesse modifiĂ©s. Tout cela semblait comme exiger un costume aussi particulier et aussi extraordinaire que celui qu’il portait effectivement. Un cafetan brun-noir que le moindre attouchement paraissait devoir faire tomber en poussiĂšre ; de longs cheveux noirs tombant en broussailles sur ses Ă©paules ; des souliers emboĂźtant des pieds nus et brĂ»lĂ©s ; tout cela semblait comme soudĂ© Ă  lui et faire partie de son ĂȘtre. — Ce n’est pas pour vingt, mais pour quinze que tu les auras si tu ne mens pas, rĂ©pondit le jeune homme, sans le quitter de son regard pĂ©nĂ©trant. — Pour quinze, c’est entendu ! mais ne pas oublier, pour quinze. Et voici cinq roubles d’arrhes. — Mais si tu m’as menti ! — Si je mens, Ă  toi les arrhees. — C’est entendu. Allons ! topons. — Allons ! CHAPITRE VI — Par ici, Aphanasi Ivanovitch. Il y a une haie. Levez le jarret, mais ne craignez rien. Mon imbĂ©cile est parti pour toute la nuit avec le compĂšre pour veiller sur les charrettes, de peur que les Moscovites ne chipent quelque chose. C’est ainsi que la terrible compagne de Tcherevik encourageait d’un ton affable le popovitch[10] qui, s’accrochant peureusement Ă  la clĂŽture, grimpa sur la haie et y resta debout, hĂ©sitant comme un long et effrayant fantĂŽme. AprĂšs avoir longtemps cherchĂ© de l’Ɠil la place oĂč sauter le plus facilement, il finit par tomber lourdement dans les hautes herbes. — Malheur ! ne vous ĂȘtes-vous pas fait de mal ? Ne vous ĂȘtes-vous pas — Dieu vous en garde — cassĂ© le cou? murmurait Khivria tout inquiĂšte. — Chut ! rien, rien, ma trĂšs chĂšre Khavronia Nikiforovna, fit le popovitch d’une voix basse et plaintive en se dressant sur ses jambes, rien que des piqĂ»res d’orties, cette plante vipĂ©rine, comme disait le dĂ©funt protopope. — Entrez donc vite dans la khata. Il n’y a personne. Et moi qui me demandais si vous n’étiez pas retenu par un furoncle ou un mal de ventre. On ne vous voit plus. Comment cela va-t-il? J’ai entendu dire que le pope, votre pĂšre, a reçu un tas de choses. — Presque rien, Khavronia Nikiforovna, mon pĂšre n’a reçu pour tout le carĂȘme que quinze sacs de blĂ©, quatre de millet, une centaine de pains au beurre et des poulets qui, bien comptĂ©s, ne dĂ©passent pas la cinquantaine. Quant aux Ɠufs, ils sont en partie gĂątĂ©s ; mais le plus prĂ©cieux de tous les dons, c’est de vous seule que je peux le tenir, Khavronia Nikiforovna, continua le popovitch, en la regardant tendrement et en se rapprochant d’elle. — VoilĂ , Aphanasi Ivanovitch, fit-elle, en posant sur la table divers plats et en boutonnant d’un air confus sa camisole qui s’était ouverte comme par hasard, des vareniki[11], des galouchetchki[12] de froment, des pampouchetchki[13], des tovtchenitchki[14]. — Tout cela, je gage, est sorti des plus habiles mains de toutes les filles d’Ève, dit le popovitch en entamant les tovtchenitchki et en attirante Ă  lui, de l’autre main, les varenitchki. Cependant, Khavronia Nikiforovna, mon cƓur a soif d’autres choses plus douces que les pampouchetchki et tous les galouchetchki — Je ne sais rĂ©ellement plus ce que je pourrais vous offrir encore, Aphanasi Ivanovitch, rĂ©pondit la belle obĂšse en feignant de ne pas comprendre. — Mais votre amour ! mon incomparable Khavronia Nikiforovna, murmura le popovitch, tenant d’une main un varenik et, de l’autre, enlaçant la large taille de la matrone. — Dieu sait ce que vous imaginez ! Aphanasi Ivanovitch, dit Khidria en baissant pudiquement les yeux, vous allez peut-ĂȘtre encore entreprendre de m’embrasser ! — Quant Ă  cela, je vous dirai, en ce qui me concerne, reprit le popovitch, qu’au temps pour ainsi dire oĂč j’étais au sĂ©minaire je me souviens encore comme aujourd’hui
 À ce moment, des aboiements se firent entendre dans la cour et des coups furent frappĂ©s Ă  la porte cochĂšre. Khivria sortit prĂ©cipitamment et rentra toute pale. — Allons ! Aphanasi Ivanovitch, nous sommes pris ! Un tas de gens frappent Ă  la porte et il me semble avoir reconnu la voix du compĂšre. Le varenik s’arrĂȘta dans la gorge du popovitch
 ses yeux sortirent de leurs orbites, comme s’il s’était trouvĂ© en face de quelque revenant. — Vite, grimpez lĂ , criait Khivria Ă©pouvantĂ©e, en lui indiquant les planches reposant sur deux solives juste au-dessous du plafond et sous lesquelles Ă©taient entassĂ©s divers ustensiles de mĂ©nage. Le pĂ©ril donna des forces Ă  notre hĂ©ros. Revenant un peu Ă  lui, il sauta sur la partie du poĂȘle qui sert de lit, et de lĂ , avec prĂ©caution, il se hissa sur les planches, tandis que Khivria courait Ă  toutes jambes vers la porte, car les coups redoublaient, frappĂ©s avec plus de force et d’impatience. VII Un Ă©trange Ă©vĂ©nement s’était produit Ă  la foire. Le bruit courait que, quelque part, parmi les marchandises, la svitka rouge devait faire son apparition. La vieille qui vendait des boubliki[15] crut voir Satan au museau de cochon qui se penchait sans cesse sur les charrettes comme s’il cherchait quelque chose. Cela se rĂ©pandit rapidement dans tous les coins du campement silencieux; et tout le monde eĂ»t considĂ©rĂ© comme un crime de ne pas y ajouter foi, bien que la marchande de boubliki, dont l’étalage mobile attenait Ă  la tente du cabaretier, se fĂ»t livrĂ©e toute la journĂ©e Ă  des saluts sans objet et dessinĂąt de ses jambes des courbes empruntĂ©es Ă  ses gĂąteaux. À cela, s’ajoutaient encore les histoires grossies de bouche Ă  bouche du prodige vu par le scribe dans le hangar en ruine, de telle sorte qu’avec la nuit, chacun se serrait plus prĂšs de son voisin. La tranquillitĂ© disparut; la peur empĂȘchait les yeux de se fermer ; et ceux qui n’étaient pas des plus braves et qui purent se procurer un coin dans une izba[16], s’y rĂ©fugiĂšrent. Au nombre de ces derniers, se trouvaient Tcherevik avec son compĂšre et sa fille ; et ce sont eux, qui renforcĂ©s de quelques camarades, leur ayant demandĂ© asile, ont causĂ© le tapage qui a si fort effrayĂ© notre Khivria. Le compĂšre Ă©tait dĂ©jĂ  quelque peu Ă©mĂ©chĂ©. Cela rĂ©sultait de ce qu’il dut faire deux fois avec sa charrette le tour de la cour avant de trouver la porte de sa khata. Les hĂŽtes, eux aussi, Ă©taient d’humeur joyeuse et, sans plus de façon, ils pĂ©nĂ©trĂšrent dans la chambre avec le maĂźtre. L’épouse de notre Tcherevik Ă©tait assise comme sur des aiguilles quand ils se mirent Ă  fureter dans tous les coins. — Eh quoi ! commĂšre, s’écria le compĂšre en entrant, la fiĂšvre te fait toujours trembler ! — Oui, je ne me sens pas bien, rĂ©pondit Khivria en jetant un regard inquiet sur les planches au-dessous du plafond. — Voyons, femme, va-t’en me chercher la bouteille dans la charrette, dit le compĂšre Ă  son Ă©pouse qui le suivait. Nous la viderons avec ces braves amis ; les maudites femmes nous ayant fait une peur telle qu’il est presque honteux de l’avouer. Car, au fond, frĂšres, nous nous sommes rĂ©fugiĂ©s ici inutilement, continua-t-il, en vidant Ă  petites gorgĂ©es la cruche de terre. Je suis prĂȘt Ă  percer mon neuf, que les femmes se sont tout simplement moquĂ©es de nous. En admettant mĂȘme que ce fĂ»t le diable, que nous importe le diable ? Crachez-lui Ă  la figure ! Qu’il s’avise Ă  l’instant mĂȘme de se dresser ici devant moi ! et que je ne sois qu’un fils de chien si je ne lui fais pas la nique. — Pourquoi, alors, es-tu devenu si pĂąle ? s’écria l’un des Ă©trangers qui dominait les autres de la tĂȘte et posait pour le brave. — Moi ! Dieu vous patafiole ! vous avez rĂȘvĂ©. Les hĂŽtes ne purent rĂ©primer un sourire auquel s’associa d’un air de satisfaction le bravache qui avait pris la parole. — Comment pourrait-il parler, fit observer un autre, alors que ses joues flamment comme le coquelicot ? Ce n’est plus un oignon mais une betterave, ou mieux encore la svitka rouge qui a tant Ă©pouvantĂ© les gens. La bouteille fit le tour de la table et aug-menta encore la gaĂźtĂ© des convives. Notre Tcherevik, que la svitka rouge n’avait pas cessĂ© de torturer, ne laissant pas une seconde de rĂ©pit Ă  son esprit curieux, s’approcha alors du compĂšre. — Dis, par grĂące, compĂšre, J’ai beau questionner, je ne puis connaĂźtre l’histoire de cette satanĂ©e svitka. — Eh ! compĂšre, ces choses-lĂ  ne se racontent pas la nuit, mais pour te faire plaisir ainsi qu’aux braves amis qui m’ont l’air d’y tenir autant que toi, soit
 Écoutez. Il se gratta l’épaule, s’essuya la bouche avec le pan de son cafetan, appuya la main sur la table et commença — Une fois, pour quel crime, c’est ce que j’ignore, tout ce que je sais c’est qu’un diable fut chassĂ© de l’enfer. — Comment cela, compĂšre, interrompit Tcherevik, est-il possible qu’on chasse un diable de l’enfer ? — Qu’y pourrais-je, compĂšre ? On l’a chassĂ© et voilĂ  tout, comme un moujik chasse un chien de sa khata. Peut-ĂȘtre s’était-il avisĂ© de commettre quelque bonne action, et, alors, on lui a montrĂ© la porte. Or, ce pauvre diable s’ennuyait hors de l’enfer, mais s’ennuyait Ă  se pendre. Que faire ? Il se mit alors Ă  boire de dĂ©sespoir, Il se nicha dans ce mĂȘme hangar que tu as vu en ruines prĂšs de la montagne, et auprĂšs duquel aucun honnĂȘte homme ne peut plus dĂ©sormais passer, sans ĂȘtre prĂ©alablement armĂ© du signe de croix. Et ce diable est un homme d’un dissolu Ă  rendre des points aux parobki. Du matin au soir, il ne dĂ©marre pas du cabaret. À ce moment, le grave Tcherevik interrompit de nouveau notre conteur. — Que dis-tu lĂ , compĂšre ? Comment est-il possible qu’on ait laissĂ© entrer le diable au cabaret ? Il a bien, grĂące Ă  Dieu, des griffes aux pattes et de petites cornes sur la tĂȘte. — Sans doute ! mais il s’était muni de bonnet et de mitaines ; impossible, par suite, de le reconnaĂźtre. Il noçait, noçait
 Enfin il avait bu tout ce qu’il possĂ©dait. Le cabaretier eut beau lui faire longtemps crĂ©dit, finalement, il dut cesser. Le diable fut alors forcĂ© de changer sa svitka rouge pour un tiers de sa valeur au juif qui tenait le cabaret de la foire de Sorotchinetz. Il la lui engagea et lui dit Prends garde, juif, je viendrai chercher la svitka dans un an jour pour jour. Conserve-la. » Et il disparut comme s’il fĂ»t tombĂ© dans l’eau. Le juif examina attentivement la svitka. Le drap en Ă©tait de telle qualitĂ© que mĂȘme Ă  Miregorod on n’aurait pu en trouver de semblable. Le rouge flambait comme le feu ; impossible une fois vu d’en dĂ©tacher ses yeux. Le juif se fatigua d’attendre l’échĂ©ance. Il se gratta l’oreille[17], et il en tira de quelque seigneur de passage jusqu’à cinq piĂšces d’or. Mais voilĂ  qu’un soir un homme entre. Eh bien ! juif, rends-moi ma svitka. » Le juif ne le reconnut pas d’abord, mais, aprĂšs l’avoir remis, il feignit de ne l’avoir jamais vu. — Quelle svitka ? je n’ai pas de svitka. » L’autre s’en alla. Seulement, vers le soir, quand le juif ayant fermĂ© sa boutique et aprĂšs avoir comptĂ© son argent, se mit, un drap sur la tĂȘte, Ă  prier Dieu Ă  la façon juive, un frĂŽlement s’entendit ! — Le juif regarde ! Ă  toutes les fenĂȘtres apparaissaient des museaux de cochon
 À ces mots, prĂ©cisĂ©ment, on entendit un bruit indistinct qui ressemblait fort au grognement du porc. Tous pĂąlirent
 La sueur perla sur le visage du conteur. — Quoi ? demanda Tcherevik, effrayĂ©. — Rien ! rĂ©pondit le compĂšre tremblant de tout son corps. — Rien ! fit Ă  son tour l’un des assistants. — C’est toi qui disais ?
 — Moi ! — Quoi donc ? Ă  propos ?
 — Dieu sait pourquoi tout cet Ă©moi ! il n’y a rien. Tous se mirent Ă  examiner craintivement autour d’eux et Ă  chercher dans les recoins. Khivria Ă©tait plus morte que vive. — Quelles femmes vous faites ! dit-elle Ă  haute voix. Et vous vous appelez des Cosaques et vous ĂȘtes des hommes Il faudrait vous mettre une quenouille Ă  la main. Quelqu’un peut-ĂȘtre s’est
 Dieu me pardonne
 Sous quelqu’un le banc a craquĂ© et cela a suffi pour vous affoler tous. Cette sortie fit honte Ă  nos braves et les obligea de reprendre courage. Le compĂšre but son coup et poursuivit son rĂ©cit — Le juif s’évanouit d’effroi ; mais les cochons, sur leurs longues jambes comme des Ă©chasses, pĂ©nĂ©trĂšrent par les fenĂȘtres et le firent vite revenir Ă  lui Ă  coups d’étriviĂšres et le forcĂšrent Ă  danser plus haut que cette solive. Le juif se jeta Ă  leurs pieds et avoua tout
 mais le difficile Ă©tait de retrouver la svitka. VolĂ©e au seigneur par un tzigane, elle avait Ă©tĂ© vendue Ă  une marchande. Celle-ci la porta de nouveau Ă  la foire de Sorotchinetz, mais, depuis lors, personne ne lui achetait quoi que ce soit. La marchande s’étonna, s’étonna longtemps et finit par comprendre que la faute en Ă©tait Ă  la svitka rouge. Ce n’est pas pour rien qu’en l’endossant elle se sentait toujours gĂȘnĂ©e. Sans plus de rĂ©flexion, elle la jeta au feu. — Il ne brĂ»le pas, ce satanĂ© vĂȘtement !
 HĂ© ! mais !
 c’est un cadeau du diable ! » — La marchande l’introduisit sous la charrette d’un moujik venu pour vendre son beurre. L’imbĂ©cile s’en rĂ©jouit ; seulement personne plus ne lui achetait de beurre. Hein ! ce sont des mains ennemies qui m’ont glissĂ© cette svitka ! » Il saisit sa hache et la mit en piĂšces. Mais voilĂ  que les morceaux rampent les uns vers les autres et que la svitka est de nouveau entiĂšre. Se signant alors, il assĂ©na un second coup de hache, sema les morceaux Ă  droite et Ă  gauche et s’enfuit. Depuis, chaque annĂ©e, juste Ă  l’époque de la foire, le diable au museau de cochon se promĂšne par toute la place, grognant et ramassant les morceaux de la svitka. On dit maintenant qu’il ne lui manque plus que la manche gauche. Les gens, depuis lors, se signent Ă  l’endroit ; et voilĂ  une dizaine d’annĂ©es dĂ©jĂ  que la foire ne s’y tenait plus, lorsque le malin a poussĂ© le commissaire de
 Ă  en
 La fin du mot resta sur les lĂšvres du conteur la fenĂȘtre vola en Ă©clats et, Ă  travers les vitres brisĂ©es, apparut un museau de cochon roulant de terribles yeux et ayant l’air de demander Que faites-vous ici, braves gens ? » CHAPITRE VIII La terreur cloua tout le monde dans la khata. Le compĂšre, la bouche bĂ©e, fut transformĂ© en pierre. Ses yeux jaillirent comme des projectiles. Ses doigts Ă©carquillĂ©s s’arrĂȘtĂšrent immobiles en l’air. Le brave, de haute taille, dans une Ă©pouvante impossible Ă  maĂźtriser, sauta jusqu’au plafond et frappa de sa tĂȘte contre la solive. Les planches s’écartĂšrent et le popovitch, avec tonnerre et fracas, vola par terre. — AĂŻe ! aĂŻe ! aĂŻe ! s’écria dĂ©sespĂ©rĂ©ment l’un des assistants en tombant tout terrifiĂ© sur le banc et en agitant les bras et les jambes. — Au secours ! exclamait dĂ©sespĂ©rĂ©ment un autre en se couvrant de son touloupe[18]. TirĂ© de sa pĂ©trification par ce nouvel effroi, le compĂšre se traĂźna Ă  quatre pattes, tout tremblant, sous les jupons de son Ă©pouse. Le brave de haute taille grimpa dans le four du poĂȘle malgrĂ© l’étroitesse de l’ouverture, en refermant la porte derriĂšre lui ; et Tcherevik, comme Ă©chaudĂ©, prenant un pot de fer pour son bonnet, s’en coiffant, se prĂ©cipita dehors et courut comme un fou Ă  travers les rues sans toucher presque terre. La fatigue seule l’obligea de ralentir sa course. Son cƓur battait comme une meule de moulin. La sueur l’inondait. EpuisĂ©, il Ă©tait sur le point de s’affaisser, quand, tout Ă  coup, il entendit derriĂšre lui quelqu’un Ă  sa poursuite
 La respiration lui manqua. — Le Diable ! Le Diable ! criait-il hors de lui, en faisant appel Ă  toutes ses forces, et, un moment aprĂšs, il tomba sans connaissance. — Le Diable ! Le Diable ! criait-on derriĂšre lui ; et tout ce qu’il put sentir encore c’est que quelque chose s’abattit sur lui. Le vide se fit alors complĂštement dans son cerveau et, comme l’hĂŽte terrible de l’étroite biĂšre », il resta muet et immobile au milieu de la route. CHAPITRE IX — Entends-tu, Vlas ? disait en se soulevant au milieu de la nuit, un de ceux qui dormaient dans la rue. Quelqu’un, tout prĂšs d’ici a appelĂ© le diable. — Que m’importe ! grogna en s’étirant un tzigane couchĂ© Ă  ses cĂŽtĂ©s, il pourrait aussi bien appeler tous ses parents. — Mais il a criĂ© comme si on l’étouffait ! — De quoi n’est pas capable un homme pris de sommeil ? — Comme tu voudras, mais il faut aller voir. Bats donc le briquet. L’autre tzigane, en maugrĂ©ant, se leva sur ses jambes, fit jaillir Ă  doux reprises une Ă©tincelle qui passa sur lui comme un Ă©clair, et, aprĂšs avoir soufflĂ© sur l’amadou, se mit en marche, un kaganetz[19] Ă  la main. — Halte ! il y a quelque chose Ă  terre ; Ă©claire par ici. D’autres personnes s’étaient jointes Ă  eux. — Qu’est-ce, Vlas ? — On dirait deux hommes ; l’un dessus et l’autre dessous. Lequel des deux est le diable ? c’est ce que je ne puis pas reconnaĂźtre. — Et qui est dessus ? — Une baba femme. — Alors, c’est ça qui est le diable. Un Ă©clat de rire gĂ©nĂ©ral rĂ©veilla toute la rue. — Une baba grimpĂ©e sur un homme ! Allons, cette baba doit s’entendre en monture ! disait quelqu’un dans la foule. — Regardez, frĂšres ! — fit un autre en ramassant un fragment du pot de fer dont une moitiĂ© seulement restait sur la tĂȘte de Tcheverik, — de quel bonnet ce brave homme s’est coiffĂ© ! Le bruit et les rires qui augmentaient, finirent par rappeler Ă  la vie nos deux morts, Solopi et son Ă©pouse, pleins encore de la frayeur passĂ©e et regardant avec terreur, de leurs yeux fixes, les visages basanĂ©s des tziganes. À la lumiĂšre fausse et tremblante des kaganetz, ceux-ci ressemblaient Ă  une bande hideuse de gnomes enveloppĂ©s d’une pesante vapeur souterraine dans les tĂ©nĂšbres d’une nuit sans rĂ©veil. CHAPITRE X La fraĂźcheur du matin soufflait sur les habitants rĂ©veillĂ©s de Sorotchinetz. Des bouffĂ©es de fumĂ©e s’envolaient de toutes les cheminĂ©es Ă  la rencontre du soleil levant. La foire se ranima. Les moutons se mirent Ă  bĂȘler, les chevaux Ă  hennir et, de nouveau, les cris des oies et des marchandes emplirent tout le campement ; les racontars effrayants sur la svitka rouge, qui avaient tant Ă©pouvantĂ© le monde dans les heures mystĂ©rieuses de la nuit, s’évanouirent avec l’apparition du matin. En bĂąillant et en s’étirant, Solopi Tcherevik somnolait chez le compĂšre sous le hangar couvert de paille, au milieu des bƓufs, des sacs de farine et de blĂ©. Il ne paraissait nullement disposĂ© Ă  s’arracher Ă  ses rĂȘveries, lorsque, tout Ă  coup, il entendit une voix qui lui Ă©tait aussi familiĂšre que le refuge de sa paresse, le poĂȘle bĂ©ni de sa khata ou le cabaret d’une parente installĂ©e Ă  dix pas de chez lui. — Debout ! debout ! lui scandait Ă  l’oreille sa tendre Ă©pouse, en le tirant de toutes ses forces par le bras. Tcherevik, pour toute rĂ©ponse, enfla les joues et simula, de ses mains, le battement des tambours. — Idiot ! s’écria-t-elle en Ă©vitant le bras qui faillit l’atteindre au visage. Tcherevik se souleva, se frotta les yeux et regarda autour de lui. — Que le diable m’emporte, ma colombe, si ton museau ne m’a pas fait l’effet d’un tambour sur lequel je me voyais forcĂ© de battre la diane, comme un superbe Moscovite ; museau de cochon dont, comme dit le compĂšre
 — Assez, assez de sottises. DĂ©pĂȘche-toi donc d’aller vendre la jument. C’est Ă  faire rire de nous, vraiment. Être venus Ă  la foire, et n’avoir pas mĂȘme vendu une poignĂ©e de chanvre ! — Que dis-tu femme ? interrompit Solopi — mais c’est maintenant qu’on va rire. — Va, va ; on rit dĂ©jĂ  assez sans cela. — Je sais bien que je ne suis pas encore dĂ©barbouillĂ©, continua Tcherevik en bĂąillant et en se grattant le dos pour gagner du temps Ă  sa paresse, — VoilĂ  qu’il lui prend mal Ă  propos la fantaisie d’ĂȘtre propre ! Cela t’est-il jamais arrivĂ© ? voilĂ  une serviette ; essuie ton masque. Et elle saisit quelque chose roulĂ© en tas qu’elle rejeta brusquement avec terreur ; c’était la manche rouge de la svitka. — Va faire ton affaire, reprit-elle en rassemblant ses esprits et en voyant que la peur cassait les jambes de son Ă©poux et que ses dents claquaient. — J’en aurai maintenant une vente, murmura-t-il en dĂ©tachant la jument et la conduisant sur la place. Ce n’est pas sans cause qu’en mes prĂ©paratifs pour cette maudite foire, je me sentais un poids comme si quelqu’un m’avait jetĂ© sur les Ă©paules une vache crevĂ©e. Et les bƓufs qui, d’eux-mĂȘmes, se sont par deux fois retournĂ©s vers la maison ! Sans compter, si je me souviens bien, que c’est un lundi que nous nous sommes mis en route. De lĂ , tout le mal

 Et ce maudit diable qui ne veut pas se tenir tranquille ! Qu’est-ce que ça peut lui faire de porter une svitka qui n’a qu’une manche ! mais non. Il ne veut pas laisser la paix aux honnĂȘtes gens. Si j’étais un diable, moi, par exemple ce dont Dieu me garde ! est-ce que je me dĂ©mĂšnerais la nuit Ă  la recherche d’un maudit chiffon ! Ici le monologue de notre Tcherevik fut interrompu par une voix grave et criarde. Le tzigane de haute taille Ă©tait devant lui. — Qu’est-ce que tu vends ? mon brave. Le vendeur eut un silence. Il examina son interlocuteur des pieds Ă  la tĂȘte et dit d’un air tranquille, sans s’arrĂȘter et sans lĂącher la bride — Tu sais bien toi-mĂȘme ce que je vends. — Des courroies ? demanda le tzigane en regardant la bride. — Oui, des courroies, si une jument ressemble Ă  des courroies. — Mais diantre, pays, tu l’as donc nourrie avec de la paille ? — De la paille ! Et Tcherevik tira sur la bride pour faire passer devant lui la jument et convaincre de mensonge ce calomniateur effrontĂ© mais avec une vitesse extraordinaire sa main vint frapper son menton. Il regarda et que vit-il ? Dans sa main il n’a plus qu’une bride et, Ă  la bride est attaché  Ô terreur ! ses cheveux se dressent sur sa tĂȘte
 un morceau de la manche rouge de la svitka !
 Il cracha, se signa et, en agitant les bras, il s’enfuit de ce cadeau inattendu, et, plus rapide qu’un jeune homme, se perdit dans la foule. CHAPITRE XI — ArrĂȘtez-le ! arrĂȘtez-le ! criaient plusieurs jeunes gens dans le fond Ă©troit d’une rue ; et Tcherevik se sentit tout Ă  coup saisi par des mains vigoureuses. — Qu’on le garrotte ! c’est lui qui a volĂ© au brave homme sa jument ? — Que Dieu soit avec vous ! Pourquoi me garrottez-vous ? — Et c’est lui qui le demande ! Pourquoi as-tu volĂ© la jument ? — Êtes-vous fous ? jeunes gens. OĂč a-t-on vu qu’un homme puisse se voler lui-mĂȘme ? — Connu ! connu ! Pourquoi te sauvais-tu Ă  toutes jambes comme si Satan lui-mĂȘme Ă©tait Ă  tes trousses
 — On se sauverait Ă  moins quand un vĂȘtement diabolique
 — HĂ© ! mon pigeon, conte cela Ă  d’autres. Tu auras encore affaire au commissaire qui t’apprendra Ă  faire peur aux gens avec tes diableries. — ArrĂȘtez-le ! arrĂȘtez-le. Ce cri retentit de nouveau Ă  l’autre bout de la rue. Le voilĂ  ! le voilĂ , le fuyard ! Et, aux yeux de notre Tcherevik, apparut le compĂšre dans le plus piteux Ă©tat, les mains liĂ©es derriĂšre le dos et conduit par plusieurs jeunes gens. — Que de miracles il se fait ! disait l’un de ceux-ci. Si vous entendiez ce que raconte ce filou ! qu’il suffit de regarder en face pour reconnaĂźtre un voleur, quand on s’avise de lui demander pourquoi il courait comme un affolĂ©. Je fouillais, dit-il, dans ma poche pour y prendre une prise, et, au lieu de ma tabatiĂšre, j’ai retirĂ© un morceau de la diabolique svitka qui flamba soudain comme du feu
 et je m’enfuis Ă  toutes jambes. » — HĂ© ! hĂ© ! ce sont deux oiseaux du mĂȘme nid, garrottez-les ensemble. CHAPITRE XII — Peut-ĂȘtre, en effet, compĂšre, as-tu chipĂ© quelque chose ? demanda Tcherevik Ă©tendu, liĂ© Ă  son compĂšre, dans une botte de paille. — Comment ! toi aussi ? compĂšre ? Que me sĂšchent bras et jambes si jamais j’ai volĂ© quoi que ce soit, si ce n’est des vareniki Ă  la crĂšme, chez ma mĂšre, et encore n’avais-je que dix ans. — Pourquoi donc, compĂšre, un pareil calamitĂ© sur nous ? Toi encore, ce n’est rien On ne t’accuse que d’avoir volĂ© autrui ! mais qu’ai-je fait pour ĂȘtre en butte Ă  une calomnie aussi idiote m’ĂȘtre volĂ© Ă  moi-mĂšme ma propre jument ! Il Ă©tait Ă©crit, compĂšre, que nous ne devions pas avoir de chance. — Malheur Ă  nous ! pauvres orphelins. Et les deux compĂšres se mirent Ă  sangloter bruyamment. — Qu’as-tu donc Solopi ? demanda Hirtzko qui entra en ce moment — qui t’a garrottĂ© ? — Ah ! Halopoupenko ! Halopoupenko ! s’écria Solopi tout joyeux — le voilĂ , compĂšre, celui-lĂ  mĂȘme dont je t’ai parlĂ©. HĂ© ! camarade, que Dieu me tue sur place, s’il n’a pas lampĂ© devant moi une cruche presque aussi grosse que ta tĂȘte, et sans seulement sourciller. — Pourquoi donc, compĂšre, n’as-tu pas fait honneur Ă  un aussi brave parobki ? — Comme tu vois, continua Tcherevik en s’adressant a Hirtzko, Dieu m’a puni probablement parce que je suis en faute Ă  son Ă©gard. Pardonne-moi, mon brave. Pour toi, je serais prĂȘt Ă  tout faire, mais que veux-tu, c’est le diable qui est dans la ville. — Je ne te tiens pas rancune, Solopi ; si tu veux, je te dĂ©barrasserai de tes liens. Et il fit signe aux jeunes gens, et ceux-lĂ  mĂȘme qui gardaient les prisonniers s’empressĂšrent de les dĂ©lier. — En revanche, agis bien de ton cĂŽtĂ© ; marie-nous, et que l’on danse au point que pendant toute une annĂ©e les jambes nous fassent mal. — Bien ! voilĂ  qui est bien ! dit Solopi en battant des mains, et je me revois aussi gai en ce moment, que si les Moscovites m’avaient enlevĂ© ma vieille. Il n’y a plus Ă  rĂ©flĂ©chir, Ă  tort ou Ă  raison, aujourd’hui on se marie et tout est dit. — Prends bien garde, Solopi, dans une heure je serai chez toi, car on t’attend pour acheter ta jument et ton blĂ©. — Comment ! est-ce qu’on aurait retrouvĂ© la jument ? — On l’a retrouvĂ©e. Tcherevik demeurait immobile de joie en suivant des yeux Hirtzko qui s’éloignait. — Eh bien ! Hirtzko, l’affaire a-t-elle Ă©tĂ© bien menĂ©e ? demanda le tzigane de haute taille au jeune homme qui pressait le pas ; les bƓufs sont Ă  moi, maintenant ? — À toi ! Ă  toi ! CHAPITRE XIII Son joli menton dans la main, Paraska Ă©tait assise songeuse et seule dans la khata. Les rĂȘves, en grand nombre, voltigeaient autour de sa tĂȘte blonde. De temps Ă  autre un sourire lĂ©ger effleurait ses petites lĂšvres pourpres et une sorte d’émotion joyeuse soulevait ses sombres sourcils. D’autres fois, un nuage d’inquiĂ©tude les abaissait de nouveau sur le brun de ses yeux. Que devenir si ce qu’il a dit ne se rĂ©alise pas ? murmurait-elle avec une expression de doute. Que devenir si on ne me marie pas ? Si
 mais non
 cela ne sera pas. Ma marĂątre fait tout ce qui lui passe par l’esprit. Est-ce que je ne peux pas en faire autant ? Je saurai moi aussi m’entĂȘter. Qu’il est beau ! Comme ses yeux noirs brillent merveilleusement. Comme il dit Ma Parasiou »[20] chĂ©rie ! Comme sa svitka blanche lui va bien. Il lui faudrait une ceinture plus Ă©clatante ; il est vrai que j’aurai le temps de lui en broder lorsque nous serons en mĂ©nage
 Je ne puis penser sans joie, continua-t-elle en tirant de son sein un petit miroir doublĂ© de papier rouge, achetĂ© Ă  la foire, et en s’y regardant avec un vrai plaisir — je ne puis penser sans joie au jour oĂč je la rencontrerai quelque part ! Je ne la saluerai pour rien au monde, dĂ»t-elle en crever. Non marĂątre, tu as assez battu ta belle-fille ! le sable germera sur la pierre et le chĂȘne se penchera sur l’eau comme un saule pleureur, plutĂŽt que je m’incline devant toi. Ah ! oui
 j’oubliais
 je veux essayer le bonnet[21] mĂȘme de la marĂątre pour voir comment il me va. » Elle se leva le miroir dans la main et la tĂȘte inclinĂ©e sans le quitter des yeux, elle marcha timidement Ă  travers la chambre comme si elle craignait de tomber en voyant sous elle, au lieu du sol, le plafond avec ses planches d’oĂč Ă©tait dĂ©gringolĂ© le popovitch et ses rayons garnis de poteries. — Quelle enfant je fais, s’écria-t-elle en riant ; j’ai peur de faire un pas ! Et elle se mit Ă  frapper du pied ; et plus elle allait, plus elle activait le mouvement. Finalement, sa main gauche s’établit sur sa hanche, et elle se prit Ă  danser en faisant rĂ©sonner le cuivre de ses talons, en tenant devant elle le miroir et en fredonnant sa chanson favorite Petite plante verte, Couche-toi plus bas, Et toi, mon aimĂ© aux sourcils noirs, Approche-toi plus prĂšs. Petite plante verte, Couche-loi plus bas encore Et toi, mon aimĂ© aux sourcils noirs, Approche-toi plus prĂšs encore. À ce moment Tcherevik passa sa tĂȘte par la porte, et, apercevant sa fille devant le miroir, s’arrĂȘta. Longtemps il regarda souriant Ă  cette fantaisie inattendue de la jeune fille, laquelle tout absorbĂ©e ne semblait rien voir. Mais quand il entendit l’air connu de la chanson, il campa ses poings sur les hanches, s’avança fiĂšrement et se mit lui-mĂȘme Ă  danser, oubliant toutes ses affaires. Un gros rire du compĂšre les fit tressaillir tous deux. — HĂątez-vous ! le fiancĂ© est arrivĂ©. — Bravo ! le pĂšre et la fille font ici la noce tout seuls. À ces derniers mois, Paraska devint plus rouge que le ruban Ă©carlate qui nouait ses cheveux et l’oublieux pĂšre se rappela pourquoi il Ă©tait venu. — Eh bien ! fille, viens vite. Khivria, toute joyeuse que j’aie vendu la jument, a couru, dit-il en regardant craintivement autour de lui — a couru s’acheter des jupons et autres chiffons. Il faut donc en finir avant sa rentrĂ©e. À peine Paraska eut-elle franchi le seuil de la khata qu’elle se sentit dans les bras du jeune homme Ă  la svitka blanche qui, avec tout une bande, l’attendait dans la rue. — Que Dieu vous bĂ©nisse ! — dit Tcherevik, en joignant leurs deux mains — vivez unis comme les fleurs d’une couronne. Il se produisit Ă  cet instant un mouvement dans la foule. — Je crĂšverai plutĂŽt que de laisser la chose s’accomplir ! — criait la compagne de Solopi — que les gens repoussaient avec des rires. — Ne t’enrage pas ! ne t’enrage pas ! femme — dit avec sang-froid Tcherevik, en s’apercevant qu’une paire de vigoureux tziganes s’étaient emparĂ©s des bras de son Ă©pouse, — ce qui est fait est fait ; je n’aime pas Ă  revenir sur ce qui est convenu. — Non, non ! ce ne sera pas, criait Khivria ; mais personne ne l’écoutait. De nombreux couples entourĂšrent le nouveau couple et formĂšrent autour de lui une haie dansante, infranchissable. Un sentiment Ă©trange et inexprimable aurait envahi le spectateur, Ă  voir comment un seul coup d’archet du musicien, en svitka de bure et aux longues manchettes pendantes, suffit Ă  rĂ©tablir l’harmonie et l’unitĂ© dans cette foule aux sentiments les plus divers. Des hommes, sur le visage morne desquels il semblait qu’un sourire n’eĂ»t jamais glissĂ©, battaient la mesure des pieds et des Ă©paules. Tout s’élançait, tout dansait. Mais plus Ă©trange et plus inexprimable encore Ă©tait le spectacle des vieilles, dont le visage antique exhalait une indiffĂ©rence de tombeau, et qui se bousculaient au milieu de cette jeunesse riante, vivante. Insouciantes, sans mĂȘme une joie enfantine, sans une Ă©tincelle de sympathie, celles que l’alcool seul poussait — semblables Ă  un mĂ©canicien qui force son automate inanimĂ© Ă  exĂ©cuter des gestes humains — balançaient doucement leur tĂȘte enivrĂ©e, dansonnaient avec la foule joyeuse sans mĂȘme regarder le jeune couple. Puis le bruit, les rires, les chants se firent de plus en plus bas. L’archet se mourait affaibli et perdant ses sons indistincts dans le vide de l’atmosphĂšre. On entendit encore au loin un piĂ©tinement, quelque chose comme le murmure d’une mer lointaine. Tout enfin redevint dĂ©sert et muet. Ainsi la joie, belle et inconsciente hĂŽtesse, s’envole de chez nous, et c’est en vain qu’une voix isolĂ©e pense exprimer la gaietĂ©. Dans son propre Ă©cho, elle entend dĂ©jĂ  la tristesse et la solitude, et elle Ă©coute stupĂ©faite. Ainsi les espiĂšgles amis d’une jeunesse agitĂ©e et libre se perdent un Ă  un et laissent finalement seul leur ancien frĂšre. L’ennui s’étend sur l’abandonnĂ©, son cƓur se serre et rien ne peut le consoler. ↑ Charretiers. ↑ Nom d’une riviĂšre. ↑ Cafetan, svitka en langue ukranienne. ↑ LittĂ©ralement sĂ©culaire. ↑ Les femmes. ↑ Sorte de gelĂ©e de fruits. ↑ Lutin domestique. ↑ Boulettes de pĂąte cuite de forme oblongue. ↑ Pour avoir la vĂ©ritable prononciation ukrannienne de ce mot, il faudrait aspirer fortement l’h. ↑ Fils du pope. ↑ PĂątes de fromage cuites dans l’eau. ↑ Diminutif de gaiouchki, sorte de gros macaroni plein et coupĂ© trĂšs court. ↑ Diminutif de pampouchki, autre pĂąte moins frite. ↑ Diminutif de tovtchenik, boulette frite de farine de pois. ↑ Pains en forme de couronnes. ↑ Izba ou khata — chaumiĂšre. ↑ LittĂ©ralement le PeĂŻssi, mĂšche de cheveux que le juif polonais porte le long de l’oreille. ↑ Fourrure en peau de mouton. ↑ Lampion usitĂ© dans la Petite Russie et composĂ© d’un morceau de poterie garnie de graisse de mouton Ă  l’intĂ©rieur. Note de l’auteur. ↑ Diminutif de Paraska. ↑ Que portent les femmes mariĂ©es. Autrefoisun paysan ou un ouvrier aurait mangĂ© pour le dĂ©jeuner de la soupe avec un demi-kilo ou mĂȘme un kilo de pain noir (de seigle). Il y a toutes sortes de pains en Russie mais on peut en distinguer deux groupes principales: “pain blanc” (Ă  base de farine de blĂ©) et “pain noir” (Ă  base de farine de seigle). Le pain noir - c par FrĂšre OursLe corps du Christ
 "Donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien." Le pain
 L'odeur du pain chaud fraĂźchement coupĂ©. Sur lequel nous dĂ©posons une noix de beurre qui fondera gentiment, pour le plus grand plaisir de nos papilles gustatives. Il est devenu chose courante dans nos habitudes alimentaires. PrĂ©sence familiĂšre, il agrĂ©mente une grande part de nos repas et collations. Nous cassons la croĂ»te sans nous attarder sur son origine et tout l'impact que cet aliment a pu avoir sur l'Ă©volution de notre humanitĂ©. Eh bien, laissez-moi vous dire, que j'ai moi-mĂȘme Ă©tĂ© vraiment surpris par la somme des informations que j'ai recueillies lors de ma recherche, afin de vous informer, Ă  mon tour, sur l'histoire fascinante de la boulangerie Ă  travers les Ăąges. J'ai du pain sur la planche. Mmmm! Bien qu'il serait peut-ĂȘtre pratique de ne pouvoir vivre que d'air pur et d'eau fraĂźche, nous devons, pour demeurer vivant et en santĂ©, nous nourrir des fruits de notre mĂšre la Terre. La faim fut, d'ailleurs, l'ennemie par excellence des hommes et des femmes, aux quatre coins du monde, tout au long de notre pĂ©rilleuse ascension vers l'Ăšre moderne. D'abord chasseuse-cueilleuse, l'humanitĂ© dĂ©couvrit les cĂ©rĂ©ales... il y a plus de 10 000 ans. Ce qui redĂ©finit considĂ©rablement notre rapport avec l'alimentation. Le millet serait la premiĂšre cĂ©rĂ©ale consommĂ©e, puis l'orge, l'avoine, le seigle et le blĂ©. On consommait alors les cĂ©rĂ©ales crues, bouillies ou grillĂ©es sur le feu. Plus tard, on apprit Ă  moudre les cĂ©rĂ©ales et Ă  les transformer en pĂątes, pour en faire des galettes et des crĂȘpes. Riches en protĂ©ines et en glucides, les cĂ©rĂ©ales ont su appaiser la faim de nos ancĂȘtres de l'AntiquitĂ©. Le Nil, berceau de la boulangerie Ce n'est qu'au 3Ăšme siĂšcle avant J-C, que nous voyons l'apparition des premiers pains levĂ©s de l'histoire. Et nous le devons aux Égyptiens. Les premiĂšres reprĂ©sentations du pain, se retrouvent dans plusieurs tombeaux Ă©gyptiens, sous forme de fresques. De plus, on a retrouvĂ© des pains dans certaines tombes, parfois pour servir de nourriture au dĂ©funt, pour le long voyage, ou pour offrir en offrande aux Dieux. Les Égyptiens broyaient l'orge et le blĂ© entre deux pierres, ils tamisaient ensuite la farine obtenue, et pĂ©trissaient la pĂąte dans de grandes jarres de terre cuite. Et finalement, ils cuisaient les pains dans des moules prĂ©-chauffĂ©s, Ă©galement de terre-cuite, ou de pierre. Pourquoi l'Égypte, vous demandez-vous? Eh bien, le pain aurait levĂ© dans la vallĂ©e du Nil en premier, par un pur hasard de circonstance. L'eau du Nil, utilisĂ©e par les premiers boulangers, Ă©tait trĂšs riche en limons, qui fertilisent la terre. Elle regorgeait de ferment saccharomyces, ces champignons-mĂȘmes, qui constituent la levure actuelle. Il suffisait que la pĂąte repose quelques heures, pour qu'elle lĂšve! DĂšs lors, le destin des humains-aines fut intimement liĂ© avec le pain. Tant dans sa vie spirituelle, que matĂ©rielle. Les hĂ©breux, anciennement des tribus nomades, ont sĂ»rement hĂ©ritĂ© de l'art de faire du pain de leurs dominateurs, les Ă©gyptiens. Ils ont par la suite perfectionnĂ© le levain et incorporĂ© le pain dans leur vie religieuse. La genĂšse, de l'ancien testament, parle Ă  de nombreuses reprises, du pain au levain et du pain sans levain. Ce dernier, appelĂ© Azim », Ă©tait rĂ©servĂ© pour tous les rituels sacrĂ©s de leur religion. C'est toujours avec le pain Azim que le peuple de MoĂŻse doit cĂ©lĂ©brer la PĂąques, en souvenir de la sortie d'Égypte. Le culte et le pain Le caractĂšre sacrĂ© et spirituel du pain prit une plus grande envergure avec le christianisme, et surtout par la venue de JĂ©sus. Curieusement, BethlĂ©em, en AramĂ©en le langage du temps signifie la Maison du pain. À cette Ă©poque, la JudĂ©e et la GalilĂ©e subissaient la famine. C'est peut-ĂȘtre cette faim, qui tourmentait la population, qui dicta les paroles de JĂ©sus, des paraboles souvent reliĂ©es Ă  la nourriture; le blĂ©, les semailles, les labours et les brebis, etc. Il voulait nourrir le peuple avec le pain de la vie Ă©ternelle, la nourriture spirituelle. Cette analogie du pain au sacrĂ© se concrĂ©tisa d'avantage avec la derniĂšre cĂšne, oĂč JĂ©sus partagea le pain en disant ces paroles cĂ©lĂšbres; "Prenez et mangez-en tous, car ceci est mon corps livrĂ© pour vous
" La boulangerie GrĂ©co-Romaine C'est en GrĂšce que le mĂ©tier de boulanger prend son essor. Les boulangers grecs ont perfectionnĂ© la technique de cuisson en crĂ©ant des fours, constituĂ©s de trous dans les cendres d'un feu, recouvert de braises. Cette mĂȘme technique Ă©tait courante chez les amĂ©rindiens. Les fournils des boulangers grecs avaient souvent recours aux esclaves pour pĂ©trir le pain, travail long et ardu. Ces derniers, mal-nourris, n'avaient souvent pas la chance de gĂŽuter le fruit de leur labeur. On consommait quotidiennement, en GrĂšce, une galette d'orge non-fermentĂ©e, cuite sur pierre; la Maza. Tandis que, les jours de fĂȘte, on mangeait un pain de blĂ©, aromatisĂ© d'huile d'olives, appelĂ© Artos. Au IIe siĂšcle avant J-C, on affirme qu'AthĂšne possĂšde 72 variĂ©tĂ©s de pains et de gĂąteaux. CĂ©rĂ©ale le mot, vient de CĂ©rĂšs, la dĂ©esse des grands pains et de la moisson. Le culte de CĂ©rĂšs Ă©tait la religion officielle de la capitale grecque. HomĂšre appelait les hommes mangeurs de farine ». L'art Pistorica l'art de la boulangerie fut perfectionnĂ© d'avantage par les romains. La mouture Ă©tait faite entre deux grosses pierres coniques, primitivement actionnĂ©es par des esclaves, puis par un cheval. Le pĂ©trissage, dans une cuve cylindrique, Ă  l'aide d'un bras mĂ©canique, mu par un cheval. Et la cuisson du pain dans des fours maçonnĂ©s d'argile, ressemblant Ă  nos fours Ă  bois actuels. À PompeĂŻ, la cĂ©lĂšbre ville ensevelie sous les cendres du VĂ©suve, le 24 aoĂ»t 79, on retrouva des fours, des moulins Ă  farine, et de nombreux pains calcinĂ©s, mais ayant gardĂ© leur belle exode vers la ville de Rome, d'une dixaine de milliers de paysansannes, donne naissance Ă  une grande famine urbaine. On dut rĂ©soudre ce problĂšme en distribuant de la farine gratuitement aux pauvres. Cette distribution Ă©tait faite par des boulangers, devenus fonctionnaires d'Ă©tat. La cĂ©lĂšbre expression "du pain et des jeux" est issue de ces Ă©vĂ©nements. En 59 avant J-C, Ă  l'Ă©poque de Jules CĂ©sar, Rome comptait 200 000 bĂ©nĂ©ficiaires de farine gratuite un peu l'ancĂȘtre de l'assistance sociale. Si bien que trois ciĂšcles plus tard, on inventa la transmission hĂ©rĂ©ditaire de la Tesssa, un jeton de contrĂŽle, qu'on prĂ©sentait pour recevoir ses pains gratuits. L'assistance des dĂ©munis Ă©tait devenue une habitude. Le Moyen-Âge, l'Ăąge des seigneurs Plusieurs centaines d'annĂ©es passent avant que l'on puisse jouir d'amĂ©liorations dans le travail du pain. Mais Ă  l'Ă©poque mĂ©diĂ©vale, le pain sera fait avec plus d'aisance. Le collier d'attelage permet au cheval de tirer une plus lourde charge sans s'Ă©trangler, la charrue Ă  roues et le flĂ©au Ă  battre le grain, et surtout le moulin Ă  vent, qui apparut en Angleterre, au dĂ©but du IXe siĂšcle, permettent la transformation efficace des cĂ©rĂ©ales en farine. La France doit attendre encore 3 siĂšcles avant d'avoir son moulin Ă  vent. Le systĂšme fĂ©odal imposa ses lois et ses privilĂšges. Les seigneurs possĂ©daient les fours Ă  pain ainsi que les moulins. Ces services devaient ĂȘtre payĂ©s par des redevances des paysans, qui avaient, en plus, la tĂąche de transporter leurs grains au moulin, retourner faire le pain chez eux, et finalement aller faire cuire leurs pains aux fours seigneuriaux. Le pain de paysan Ă©tait une grosse miche d'au moins 10 livres, mais jamais de pur froment le blĂ©, en France incluait toutes les cĂ©rĂ©ales. La famine et la disette apportaient le pain de famine. C'est-Ă - dire, un peu de farine de blĂ© mĂȘlĂ©e Ă  de la paille, de l'argile, ou d'Ă©corce d'arbre moulue, de farine de glands et d'herbes pillĂ©es, etc
Les riches bourgeois, les seigneurs et les rois, eux, connaissaient, bien sĂ»r, une bien meilleure table. On a dĂ©nombrĂ© plusieurs sortes de pains particuliers aux classes biens nanties; le pain de cour, le pain des pairs, le pain de pape, le pain de chevalier, et le pain de valet. Ce n'est qu'au XIIe siĂšcle que les talemeliers ancien nom donnĂ© aux boulangers - boulanger entrera en vigueur au XVe siĂšcle - et vient de la boule de pĂąte qui devient le pain reçoivent le droit de possĂ©der leur propre four. Le mĂ©tier sera alors rĂšglementĂ© par l'autoritĂ© royale. DĂšs le XIIIe siĂšcle, les talemeliers de Paris et de ses alentours offraient plus d'une trentaine de variĂ©tĂ©s de pain. Naissance du compagnonnage chez les maĂźtres talemeliers au XIVe siĂšcle. On voit apparaĂźtre plusieurs ouvrages sur la boulangerie, tĂ©moignant du progrĂšs de cet art, dont "Le parfait boulanger" publiĂ© en 1778, par l'agronome Antoine Augustin Parmentier. Eh oui, celui-lĂ  mĂȘme qui rendit cĂ©lĂšbre la pomme de terre et le hachis parmentier l'ancĂȘtre du pĂątĂ© chinois. En 1780, il ouvre l'acadĂ©mie de boulangerie, Ă  Paris. DestinĂ©e Ă  Ă©tudier de nouvelles combinaisons farineuses pouvant servir au pain, en temps de famine. En fait, il voulait populariser la farine de patate, puis l'avoine, le sarrasin et le maĂŻs.. Mais personne ne voulait en manger. Dans son manuel du parfait boulanger, Parmentier dĂ©crit toutes les Ă©tapes de fabrication du pain de l'Ă©poque et ajoute un ingrĂ©dient; le sel, qui ajoutĂ© Ă  la pĂąte la rend plus tenace, donnant un pain mieux dĂ©veloppĂ©. La levure Ă  biĂšre fait Ă©galement son apparition dans le processus de levaison du pain. Voici maintenant un petit fait historique assez intĂ©ressant. En 1689, Ă  Vienne, les boulangers, de par leur habitude de se lever tĂŽt pour accomplir leur travail, auraient sauvĂ© la ville d'une attaque des Ottomans, simplement en s'apercevant de leur prĂ©sence dans le silence de l'aube. Le Roi leur aurait donnĂ© le droit de crĂ©er des petits pains en forme de croissant de lune, qui Ă©tait le symbole de leurs ennemis vaincus. Et c'est depuis ce temps, vrai comme chus lĂ , que nous dĂ©gustons les croissants, souvant accompagnĂ©s de cafĂ© turc, quelle ironie! Le complot de la faim L'histoire du pain eut un trĂšs grand rĂŽle Ă  jouer dans l'une des mĂ©saventures les plus cĂ©lĂšbres de France; La rĂ©volution française. C'est en partie une grande famine qui incita le peuple Ă  se rĂ©volter. Une trĂšs mauvaise moisson en 1788, doublĂ©e d'une hausse des prix des cĂ©rĂ©ales, ont donnĂ© un coup dur aux pauvres. Ce n'est pas le manque de pain le problĂšme, c'est son prix trop Ă©levĂ© qui engendra la famine et la rĂ©volte. Les seigneurs stockaient le grain pour le revendre Ă  profit. Et les meuniers et les boulangers spĂ©culaient sur les grains. Finalement, en juillet 1789, les rebelles de la rĂ©volution s'emparent de la Bastille, croyant y trouver une grande rĂ©serve de blĂ©. AprĂšs la rĂ©volution, au nom de l'Ă©galitĂ©, le blĂ© supplanta toutes les autres cĂ©rĂ©ales. Et le pain de froment, jadis pain des riches, devint le pain de tout le monde. La boulangerie en Nouvelle-France Le pain constitue la base de l'alimentation familiale des premiers paysans de Nouvelle-France. Le traditionnel pain d'habitants, Ă©tait une grosse miche de froment d'au moins 10 livres. Il y avait aussi le pain de chantier, qui ressemblait plus Ă  la banik amĂ©rindienne, et le pain de canotier, qui Ă©tait cuit sur des pierres chauffĂ©es. Quand il y avait des mauvaises rĂ©coltes, on incorporait dans le pain de la farine de pois, qui est trĂšs indigeste. Les familles conservaient la farine dans un grand baril en bois, muni d'un tamis pouvant contenir 200 livres de farine. Comme le seigle poussait trĂšs bien au Canada, les habitants mĂ©langeaint souvent de la farine de seigle Ă  la farine de blĂ©. Le pain levait au QuĂ©bec, plus souvent qu'autrement, avec un levain maison fait avec du houblon et des patates. La recette est simple et va comme suit on prend deux bonnes poignĂ©es de fleurs et de feuilles de houblon, cueillies Ă  l'automne. On infuse le tout en rajoutant deux grosses patates rĂąpĂ©es et bouillies. En terminant, on ajoute de la farine au mĂ©lange, et l'affaire est ketchup! La pĂąte est pĂ©trie dans un meuble fait spĂ©cialement pour cette tĂąche, un espĂšce de gros coffre en bois, appelĂ© pĂ©trin, oĂč on laisse toujours de la farine. D'oĂč l'expression "ĂȘtre dans le pĂ©trin", se rapportant aux difficultĂ©s du pĂ©trissage. La huche Ă  pain est un autre meuble traditionnel de l'art de la boulangerie quĂ©bĂ©coise. Elle sert Ă  former les pains, une fois pĂ©tris, et pour conserver les pains lorsqu'ils sont cuits. Les boulangĂšres, mĂšres de famille, enfournaient gĂ©nĂ©ralement une fois par semaine, cuisinant environ une vingtaine de pains Ă  la fois. Le four Ă  pain au QuĂ©bec devient rapidement un grand symbole national, et une caractĂ©ristique de dĂ©pendance des habitations canadiennes-françaises. Il sera le centre de nombreuses coutumes et traditions. On ira mĂȘme le parader sur un char allĂ©gorique, lors du dĂ©filĂ© de la Saint-Jean. Parfois extĂ©rieur, parfois intĂ©rieur, le four Ă  pain est toujours prĂšs de la famille quĂ©bĂ©coise. Il existait cependant des fours communautaires. Pour citer un exemple, Ă  Saint-PacĂŽme de Kamouraska, vers 1935, le four de Joseph-Pierre Courcy Ă©tait utilisĂ© par 12 familles, et chauffait 6 jours sur 7. Les fours Ă  pains quĂ©bĂ©cois Ă©taient gĂ©nĂ©ralement faits de glaise, qui conserve mieux la chaleur. Les bĂątisseurs de fours Ă©taient connus Ă  la ronde. On se rappelle souvent d'Alexis le Trotteur, personnage quasi-mythique du Saguenay-lac-St-Jean, comme un expert constructeur de fours. La mĂ©thode Ă©tait sensiblement la mĂȘme partout au QuĂ©bec. On Ă©levait une plateforme en pierres, sur laquelle on installait l'HĂątre, la partie plate et lisse du four, qui accueillait les pains. Ensuite, on Ă©rigeait une structure en branches souples d'aulnes et de noisetiers. Ce treillis accueillait le torchis de glaise et paille. Il ne faut pas oublier les portes du four, qui Ă©taient probablement faites par un forgeron. Le tout Ă©tait recouvert d'un petit abris, protĂ©geant des intempĂ©ries. Quand le four Ă©tait terminĂ©, on le baptisait, en "mouillant le four", ce qui voulait dire l'arroser avec de l'alcool, ou de l'eau bĂ©nite. De plus, on y installait souvent un petit canard en argile, pour inciter le pain Ă  s'envoler pour qu'il lĂšve bien et qu'il soit lĂ©ger. Un autre rituel concernant le four Ă  pain mĂ©rite attention. "Battre la vieille annĂ©e" Ă©tait une fĂȘte du 31 dĂ©cembre. On dansait toute la soirĂ©e, et au 12Ăšme coup de minuit, on battait lĂ©gĂšrement le four rituel de mort du four Ă  pain. On sortait ainsi, symboliquement, les mauvais esprits qui auraient pu s'attacher Ă  ses parois pendant l'annĂ©e. MĂȘme le langage quĂ©bĂ©cois sera influencĂ© par le four Ă  pain. Les anciens ont créé un parlĂ© imagĂ© pour exprimer leurs dĂ©sirs grivois. Par exemple, pour savoir si sa femme daignerait lui accorder ses faveurs amoureuses, mĂȘme devant les enfants, l'homme lui demandait "C'est t'y Ă  soir qu'on chauffe le four?» Et si la femme n'Ă©tait pas en forme, ou pas disposĂ©e Ă  l'acte, elle rĂ©pondait "Le bois est humide!" ou bien, "y a pas de bois fendu!". Ces codes pour adultes se retrouvent aussi dans les chansons. Comme dans la trĂšs connue "Fendez le bois, chauffez le four". Enfin, le voile se lĂšve sur ce mystĂšre folklorique! Comme le peuple QuĂ©bĂ©cois est trĂšs croyant, le rituel sacrĂ© et spirituel en relation avec le pain, sera Ă©galement trĂšs prĂ©sent. On trace couramment une croix sur les pains avant de les enfourner. Gaspiller le pain Ă©tait une mauvaise chose. On utilisait mĂȘme le pain brĂ»lĂ© de plusieurs façons pour ne pas le perdre... En poudre, comme cafĂ© de cĂ©rĂ©ale, pour faire du vin de pain brĂ»lĂ© et on y attribuait mĂȘme des propriĂ©tĂ©s mĂ©dicinales. Par exemple, une infusion de pain brĂ»lĂ© provoquerait l'accouchement. Dans les contes et lĂ©gendes, le Diable vient souvent saboter les fours Ă  pains des bons chrĂ©tiens, et si on a le malheur de refuser la charitĂ© Ă  un quĂȘteux, celui-ci pouvait vous lancer un mauvais sort, vous empĂȘchant de faire du bon pain. Le seul contre-sort, Ă©tait de piquer un mauvais pain avec des aiguilles et de le brĂ»ler. Il y aurait sans doute encore des centaines d'anectotes rapport au pain, mais cela vous donne un bon aperçu de l'importance folklorique de la boulangerie, au QuĂ©bec d'antan. Le pain moderne Avec la modernitĂ© et la science, faire le pain n'est plus la mĂȘme aventure. Avec les moteurs Ă©lectriques, les fours Ă  gaz et au mazout, et les cylindres de mĂ©tal qui donnent une mouture ultra fine, c'est de plus en plus facile de faire du pain, mais beaucoup moins humain. Au Canada, grĂące aux expĂ©riences du moine-botaniste Gregor Mendel, fondateur de la gĂ©nĂ©tique1860, on peut bĂ©nĂ©ficier d'un hybride de blĂ©, plus tolĂ©rant des conditions difficiles de notre climat. Le blĂ© Marquis est trĂšs productif, et assure au Canada, une bonne place dans le marchĂ© de la farine. Le pain n'a pas fini de jouer un rĂŽle crucial dans notre histoire. En Europe, pendant la premiĂšre guerre mondiale, les europĂ©ens purent continuer Ă  manger du pain en exportant massivement du blĂ© amĂ©ricain, et l'entrĂ©e en guerre des État-Unis, prĂ©cipita l'effondrement moral et physique de l'Allemagne et de l'Autriche, en les privant de blĂ©. Les Français, avec une technique de sur-oxydation de la farine, la blanchissant, la rendant ainsi ultra-lĂ©gĂšre, crĂ©ent le pain blanc, moins nutritif et plus pĂ©rissable, au dĂ©sarroi de plusieurs amateurs de pain intĂ©gral. À ce sujet, plusieurs sonnent l'alarme. En 1916, on publie au Canada "La grande erreur du pain blanc", qui dĂ©nonce les consĂ©quences fĂącheuses de l'abandon du pain naturel. De toutes maniĂšres, qu'il soit blanc, brun , noir avec ou sans noix, je vous souhaite un bon appĂ©tit! RĂ©fĂ©rences - Le livre du pain, JĂ©rĂŽme Assire, Édition Flammarion, - Le Pain d'habitant "tradition du geste et de la parole", Claude Dupont, Éditions LemĂ©ac - Les fours Ă  pain au QuĂ©bec, Lise Boily et Jean-François Blanchette, Éditions MusĂ©e National de l'Homme - Le pain les pĂątisseries et les outils d'autrefois, RenĂ© Brochut et Jean-Pierre HĂ©ry, Éditions Marcel Broquet, collection MĂ©tiers d'hier vGSUAz. 47 403 418 323 416 485 439 317 382

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